lundi 27 décembre 2010

S.S FAUZON : présentation

Vous vous souvenez que le 18 septembre 1948,  j'avais laissé le M.S COYAH qui était en réparation à St-Nazaire ? Il fallait donc que je retrouve un embarquement.

Par chance un camarade du Bahut (le Lycée A. Le Braz), m’a prévenu que son père allait repartir naviguer et allait chercher un bateau à ANVERS. J’ai vu ce commandant en congés et lui ai demandé s’il pouvait me recommander pour embarquer comme matelot dans la Compagnie d’ORBIGNY. Il a accepté et j’ai reçu rapidement un ordre de route pour rallier ANVERS et embarquer sur le FAUZON, le 16 octobre 1948. J'ai conservé une carte postale d'Anvers où le Fauzon apparaît :



Le S.S « steamer ship » FAUZON, construit peu avant guerre dans un chantier anglais, brûlait du charbon et on l’adaptait pour passer au mazout. C’était un « three islands decks » (trois constructions) sur le pont, en plus du « gaillard d’avant ». D'abord le CHÂTEAU avec la passerelle (avec sa chambre de barre et des cartes) et avec les logements des officiers de pont. Puis un bloc pour les logements des officiers machine et des maîtres, la radio, la cuisine. A la poupe du navire une DUNETTE donnait accès aux locaux "EQUIPAGE".

Juste derrière la dunette, sur la plage arrière, deux grandes roues de timonerie au droit de la mèche du gouvernail constituaient une commande du gouvernail pour le cas où le « servomoteur » ou la commande par chaines et chariots en provenance de la passerelle tombaient en panne. Ce sont ces grands roues que je vous montre en photo ci-dessous (c'est moi sur la photo qui est prise un peu plus tard à Dunkerque en 1949) :



A cela s'ajoutaient quatre cales et une « calette » derrière le château.

Le tout faisait peut-être 130 mètres de long. Il me paraissait important. Par contre les postes équipages
à l’arrière était plutôt rudimentaires et nous étions trois par cabine avec "bannettes" (ou couchettes superposées) et chacun un « caisson » (armoire métallique de peut-être 30 cm de large).

A la proue se trouvait le « Gaillard d’avant » avec le guindeau (pour virer les ancres), les aussières (pour amarrer le bateau) et, à l’intérieur, des magasins pour les réserves de peintures et de l’outillage de charpentier. Surtout, plutôt inattendus, s'y trouvaient deux parcs en fer avec deux cochons à bâbord et deux bœufs à tribord avec des mangeoires et des cuves pour l’eau ! En effet, ce bateau n’avait pas de "frigo", seulement deux chambres froides. Il fallait donc tuer les bêtes pour avoir du frais à manger en cours de navigation.

Pas d’eau courante, non plus, dans les locaux équipage et même officiers ! Il fallait aller pomper l’eau au milieu du navire prés de la cuisine dans un seau pour la vaisselle ou la toilette. Pas très commode avec du roulis et du tangage ou sous les « grains » !

Le bateau chargeait un plein de ferrailles (rails, bottes de fer à béton entre autres, et quelques « diverses ») à destination de Montevideo et surtout de Buenos-Aires.

Je vous réserve le voyage pour la suite du blog !

lundi 22 février 2010

Coyah, suite et fin

Bonjour à tous, j'ai encore deux ou trois choses à vous dire concernant le Coyah, le bateau dont je vous ai parlé la semaine dernière. Comme j'ai pris l'habitude de commencer par une photo, je vous en mets une que je n'ai pas prise moi-même mais que j'ai trouvée sur internet. Elle ne date pas de 1948 mais elle représente une vue du port de Conakry, quai des longs-courriers  :


Nous sommes donc à Conakry : les compartiments dans les cales se remplissent vite et le froid est ventilé aussitôt en  passant par des gaines qui créent une sorte de double « coque » au navire. Des thermomètres sont disposés aux  endroits stratégiques pour vérifier la température et intervenir pour conserver en état le chargement.
Navire chargé, portes et cales fermées, en route pour la mer vers Nantes port de déchargement prévu où nous sommes attendus début juin.
Tous les quarts (c'est-à-dire toutes les quatre heures), nous devons descendre dans les gaines pour noter les températures et ventiler en plus ou en moins, car il faut s’en tenir aux 12°, au risque de perdre des compartiments entiers… !
Heureusement, comme les régimes sont refroidis, les mygales ou serpents bananes que l’on craint de rencontrer sont K.O. Les anciens qui en avaient  vu (« juré craché ! ») nous donnent un peu la trouille et nous faisons attention lors des prises de températures.
Mauvaise surprise : comme si une fois toutes les quatre heures ne suffisait pas, il nous faut doubler ces satanées prises de températures. En effet, la machine frigorifique qui marchait à l’ammoniac était vieille et fonctionnait mal!
Enfin ! Quelques 5 jours de mer et nous voici à Nantes. Si je me souviens bien, nous étions le premier bananier depuis la guerre sur la ligne Conakry-Nantes en ce mois de Juin 1948 : c'est même notre Coyah qui a eu l'honneur d'inaugurer le fameux Hangar à Bananes qui est devenu aujourd'hui le coin branché de Nantes. Le déchargement a été effectué aussitôt sans problème.
A ce moment, il a été décidé de faire réparer le navire, moteur et frigo, pour qu'ils soient en état de marche optimum et nous avons rejoint les chantiers de St Nazaire. Très vite on nous a annoncé qu'il faudrait un arrêt technique de longue durée à quai. Le navire a donc été désarmé, ce qui signifiait qu'il n'y aurait plus de navigation en service à la mer pour moi… Il me fallait donc partir en quête d'un autre embarquement pour avoir de la « navigation », comme on disait. Donc retour à St-Brieuc et recherche d’embarquement !

samedi 13 février 2010

Coyah


Il s’agit donc de mon premier embarquement au commerce !

Tout en continuant de naviguer à la pêche, j’avais été mis en relation avec un commandant de la Compagnie de la Navigation Fruitière qui m’avait « pistonné » pour être inscrit sur une liste d’attente pour embarquer sur un navire en réparation dans la baie de Naples en Italie.

A partir du 1er janvier 1948, j’étais aux ordres : en attente à demi-solde.

Les départs pour rejoindre le bateau étaient reportés de semaine en semaine : les Italiens tardaient à mettre le bateau en état de marche pour nous le délivrer.

Finalement, en mai, on a reçu l’ordre de partir pour embarquer sur le Coyah qui était dans un chantier naval à Castelamare di Stabia. J’ai appris par la suite que le M/S COYAH (navire bananier s’appelant « PIERRE CLAUDE » précédemment) avait été réquisitionné pendant la guerre par les Allemands ou Italiens pour en faire un navire de guerre vu sa vitesse importante à l’époque : 16 nœuds ! J'ai appris aussi qu’il avait été coulé en baie de Naples.

Les Italiens devaient remettre le bateau en état et nous le rendre.

St-Brieuc... Paris... où l’équipage complet s’est retrouvé et a pris le train pour Naples.

Long voyage fatigant et, finalement, le bateau tout blanc qui nous attendait.

Les logements étaient neufs en bois clair et les moteurs presque prêts.

Une petite semaine nous permit de prendre contact avec le navire et de visiter les ruines de Pompéi et d’Herculanum ! nous étions en effet au pied de Vésuve.

Premier contact avec les "pizzas" que nous ne connaissions pas !

Une petite semaine, donc, et nous appareillons pour Marseille afin de préparer le bateau pour son premier voyage commercial sur la ligne NANTES-CONAKRY.

Quelques heures après le départ, alors que nous allions passer dans les gorges de Bonifacio entre Sardaigne et Corse, le moteur s’arrête et finalement nous continuons le voyage à mi-vitesse !

Nous voici à Marseille où une bordée de réparateurs envahit la « machine » : il fallait faire vite, pour nous permettre de rejoindre Conakry où les bananes nous attendaient !

Une huitaine de jours à quai et en route pour la mer, fin mai ! Cap sur Conakry avec notre bateau comme neuf, à une vitesse de 16 nœuds.

Durant la traversée, on a fait des essais de la frigo, car les bananes se transportaient à une température de l’ordre de 12 degrés dans des cales compartimentées et bien aérées.

A la passerelle, la veille était gênée par le soleil réfléchissant sur un pont peint avec de la peinture aluminium très en vogue à l’époque, je crois.

Enfin nous voici à Conakry, fin prêts pour charger.

Les équipes de dockers nous attendaient !

Les portelones (portes latérales : ce sont des ouvertures créées sur la coque du navire pour permettre un chargement horizontal à dos d’homme) sont ouvertes, deux passerelles en bois entre le quai et le navire sont fixées.

Les régimes de bananes sont là, le chargement à dos d’homme commence.

Sous le soleil, il faut pointer le nombre de régimes chargés. Un pointage contradictoire entre le navire et les chargeurs est effectué à un rythme rapide : "un, deux, trois... etc." et, à dix, on ajoute : « Marquez pointeur ».

Deux heures durant sur le quai ! Heureusement on portait un casque et le matelot « pointeur » était relayé.

Le comptage en langue indigène, devenait une psalmodie… je l’ai encore en tête.

jeudi 21 janvier 2010

départ pour naviguer


 Bonjour tout le monde ! Les aventures continuent : voici le document que j'aimerais bien vous commenter aujourd'hui :


 


Eh oui ! Le Pingouin a adhéré à la CGT ! (à propos, vous avez vu ? J'ai flouté mon nom. Je ne sais pas trop si c'est vraiment utile, mais avec tout ce qu'on nous dit sur la discrétion sur internet ! Des fois qu'un pédophile essaierait de me séduire !)

Après la guerre, comme il n'y avait plus beaucoup de bateaux en France, un système un peu nationalisé, un peu étatique avait été créé : les inscrits maritimes. Les inscrits maritimes (les marins, quoi...) étaient la moitié du temps à terre avec une solde réduite et il fallait être inscrit maritime pour se faire embarquer ou naviguer. Pas moyen de faire autrement.

Pour devenir officier, il y avait la voie royale. Après le baccalauréat, une année de préparation dans une école préparatoire (puisque j'habite en Bretagne nord comme tout bon pingouin qui se respecte, je citerai Kersa à Paimpol) et puis il fallait passer des examens, comme aujourd'hui. Quand on était reçu, on pouvait entrer en école d'hydrographie pour décrocher le diplôme de lieutenant. Puis, après 5 ans de « service à la mer », il fallait faire une autre année d'études pour passer le diplôme de capitaine qui devenait un brevet de commandement. Je ne suis pas sûr d'être très clair là-dessus : faudra me dire si vous ne suivez pas. J'ai pourtant pas trop bu de gnôle.
         

Ça, c'était la voie royale. Mais pour ça, il fallait de l'argent ! L'autre solution : naviguer en subalterne, et faire une cagnotte pour payer les années de cours ! Pour cela il fallait naviguer, et donc être inscrit maritime ! Et pour obtenir un embarquement, il fallait avoir une carte d'affiliation à un syndicat, de préférence à la CGT. (F.O existait, mais…). Sacré exemple de la puissance de ce syndicat en ce temps-là ! J'avoue que j'ai rapidement cessé de me syndiquer après ça...

L'astuce en un mot, la formule magique, la botte de Nevers pour naviguer au commerce était de passer par la pêche cotiére pour avoir un livret d'inscrit provisoire ! Trois ans de navigation effectifs étaient requis pour se présenter à l'examen de lieutenant ; dès le diplôme de lieutenant obtenu on réembarquait et on retrouvait la voie royale que je vous ai racontée plus haut (y'en a un dans le fond qui ne suit pas !). Après 5 ans de navigation (on disait service à la mer) on retournait au cours et on passait l'examen  de « capitaine » de la marine marchande, lequel devenait un brevet de commandement.

Vous commencez à voir le truc ? Une fois qu'on était inscrit maritime, on pouvait chercher une Compagnie de navigation et l'on embarquait, comme matelot (c'est-à-dire avec salaire) ou comme pilotin (pas de salaire ou très peu). C'est ça que j'ai fait : on était 5 enfants dans ma famille, il fallait que je me débrouille. Donc premier embarquement sur un petit chalutier du port du Légué (c'est le port de Saint-Brieuc, pour celui du fond qui ne suit pas) et, après quelques mois, ce fut l'embarquement au Commerce en 1947... Mon premier navire, c'était le « COYAH ». Zut, je viens de vérifier : je n'en ai pas de photos. Si j'en trouve une avec Google, je vous la montrerai un jour mais c'est pas gagné.

Le Pingouin vous salue bien !

lundi 11 janvier 2010

Hum, hum...

Hum, hum... je m'éclaircis la voix (j'en ai bien besoin en ce moment : trop enroué, me dit ma femme Huguette) pour inaugurer ce blog et vous dire : "bonjour à tous". Enfin... pour l'instant je crois bien que je parle tout seul, mais j'espère bien progresser et mettre à jour ce blog régulièrement. Toutes les semaines ? Tous les quinze jours ? Tous les mois ? Je ne sais pas trop encore : je suis débutant et j'ai besoin de voir comment tout ça se goupille.
Je présente le pingouin : j'ai 80 ans et j'ai navigué dans la marine de commerce entre les années 1947 et les années 1970. 25 ans de marine, quoi, et pas mal de photos. C'est à partir de ces photos que je voudrais construire mes textes. La plupart du temps, j'en prendrai une et je vous raconterai ce qu'elle m'inspire. Mais trêve de promesses : je commence.
Voici la première photo que j'aimerais bien commenter :


Ca, c'est le Fauzon. Tiens, je viens de m'apercevoir qu'on peut agrandir la photo ci-dessus : pas mal ! Le Fauzon, c'est écrit là :


C'est une photo prise le 23 avril 1949 à Alger. J'avais embarqué sur le Fauzon de la compagnie d'Orbigny comme matelot.. Il y a pas mal de choses à dire sur cette photo.
D'abord un souvenir : sur le Fauzon, il n'y avait pas d'eau courante on allait chercher l'eau à des pompes dans des seaux, puis réchauffage avec un "steam"de vapeur. Le bateau était un S/S steamer ship à l'origine au charbon puis transformé pour brûler du fuel.

Sur le Fauzon, il n'y avait pas non plus de frigo, sûr ! Seule une chambre froide chargée de pains de glace et dans laquelle la nourriture était conservée.
Pour la viande lorsqu'il n'y en avait plus en chambre froide on tuait à bord boeufs et cochons qui étaient nourris et parqués sous le gaillard d'avant ! Le boulanger était aussi boucher. L'abattage sous les tropiques ou dans le "pot au noir"d'un animal rompait la monotonie du voyage d'Anvers à Bueno Aires.