lundi 22 février 2010

Coyah, suite et fin

Bonjour à tous, j'ai encore deux ou trois choses à vous dire concernant le Coyah, le bateau dont je vous ai parlé la semaine dernière. Comme j'ai pris l'habitude de commencer par une photo, je vous en mets une que je n'ai pas prise moi-même mais que j'ai trouvée sur internet. Elle ne date pas de 1948 mais elle représente une vue du port de Conakry, quai des longs-courriers  :


Nous sommes donc à Conakry : les compartiments dans les cales se remplissent vite et le froid est ventilé aussitôt en  passant par des gaines qui créent une sorte de double « coque » au navire. Des thermomètres sont disposés aux  endroits stratégiques pour vérifier la température et intervenir pour conserver en état le chargement.
Navire chargé, portes et cales fermées, en route pour la mer vers Nantes port de déchargement prévu où nous sommes attendus début juin.
Tous les quarts (c'est-à-dire toutes les quatre heures), nous devons descendre dans les gaines pour noter les températures et ventiler en plus ou en moins, car il faut s’en tenir aux 12°, au risque de perdre des compartiments entiers… !
Heureusement, comme les régimes sont refroidis, les mygales ou serpents bananes que l’on craint de rencontrer sont K.O. Les anciens qui en avaient  vu (« juré craché ! ») nous donnent un peu la trouille et nous faisons attention lors des prises de températures.
Mauvaise surprise : comme si une fois toutes les quatre heures ne suffisait pas, il nous faut doubler ces satanées prises de températures. En effet, la machine frigorifique qui marchait à l’ammoniac était vieille et fonctionnait mal!
Enfin ! Quelques 5 jours de mer et nous voici à Nantes. Si je me souviens bien, nous étions le premier bananier depuis la guerre sur la ligne Conakry-Nantes en ce mois de Juin 1948 : c'est même notre Coyah qui a eu l'honneur d'inaugurer le fameux Hangar à Bananes qui est devenu aujourd'hui le coin branché de Nantes. Le déchargement a été effectué aussitôt sans problème.
A ce moment, il a été décidé de faire réparer le navire, moteur et frigo, pour qu'ils soient en état de marche optimum et nous avons rejoint les chantiers de St Nazaire. Très vite on nous a annoncé qu'il faudrait un arrêt technique de longue durée à quai. Le navire a donc été désarmé, ce qui signifiait qu'il n'y aurait plus de navigation en service à la mer pour moi… Il me fallait donc partir en quête d'un autre embarquement pour avoir de la « navigation », comme on disait. Donc retour à St-Brieuc et recherche d’embarquement !

samedi 13 février 2010

Coyah


Il s’agit donc de mon premier embarquement au commerce !

Tout en continuant de naviguer à la pêche, j’avais été mis en relation avec un commandant de la Compagnie de la Navigation Fruitière qui m’avait « pistonné » pour être inscrit sur une liste d’attente pour embarquer sur un navire en réparation dans la baie de Naples en Italie.

A partir du 1er janvier 1948, j’étais aux ordres : en attente à demi-solde.

Les départs pour rejoindre le bateau étaient reportés de semaine en semaine : les Italiens tardaient à mettre le bateau en état de marche pour nous le délivrer.

Finalement, en mai, on a reçu l’ordre de partir pour embarquer sur le Coyah qui était dans un chantier naval à Castelamare di Stabia. J’ai appris par la suite que le M/S COYAH (navire bananier s’appelant « PIERRE CLAUDE » précédemment) avait été réquisitionné pendant la guerre par les Allemands ou Italiens pour en faire un navire de guerre vu sa vitesse importante à l’époque : 16 nœuds ! J'ai appris aussi qu’il avait été coulé en baie de Naples.

Les Italiens devaient remettre le bateau en état et nous le rendre.

St-Brieuc... Paris... où l’équipage complet s’est retrouvé et a pris le train pour Naples.

Long voyage fatigant et, finalement, le bateau tout blanc qui nous attendait.

Les logements étaient neufs en bois clair et les moteurs presque prêts.

Une petite semaine nous permit de prendre contact avec le navire et de visiter les ruines de Pompéi et d’Herculanum ! nous étions en effet au pied de Vésuve.

Premier contact avec les "pizzas" que nous ne connaissions pas !

Une petite semaine, donc, et nous appareillons pour Marseille afin de préparer le bateau pour son premier voyage commercial sur la ligne NANTES-CONAKRY.

Quelques heures après le départ, alors que nous allions passer dans les gorges de Bonifacio entre Sardaigne et Corse, le moteur s’arrête et finalement nous continuons le voyage à mi-vitesse !

Nous voici à Marseille où une bordée de réparateurs envahit la « machine » : il fallait faire vite, pour nous permettre de rejoindre Conakry où les bananes nous attendaient !

Une huitaine de jours à quai et en route pour la mer, fin mai ! Cap sur Conakry avec notre bateau comme neuf, à une vitesse de 16 nœuds.

Durant la traversée, on a fait des essais de la frigo, car les bananes se transportaient à une température de l’ordre de 12 degrés dans des cales compartimentées et bien aérées.

A la passerelle, la veille était gênée par le soleil réfléchissant sur un pont peint avec de la peinture aluminium très en vogue à l’époque, je crois.

Enfin nous voici à Conakry, fin prêts pour charger.

Les équipes de dockers nous attendaient !

Les portelones (portes latérales : ce sont des ouvertures créées sur la coque du navire pour permettre un chargement horizontal à dos d’homme) sont ouvertes, deux passerelles en bois entre le quai et le navire sont fixées.

Les régimes de bananes sont là, le chargement à dos d’homme commence.

Sous le soleil, il faut pointer le nombre de régimes chargés. Un pointage contradictoire entre le navire et les chargeurs est effectué à un rythme rapide : "un, deux, trois... etc." et, à dix, on ajoute : « Marquez pointeur ».

Deux heures durant sur le quai ! Heureusement on portait un casque et le matelot « pointeur » était relayé.

Le comptage en langue indigène, devenait une psalmodie… je l’ai encore en tête.