samedi 13 février 2010

Coyah


Il s’agit donc de mon premier embarquement au commerce !

Tout en continuant de naviguer à la pêche, j’avais été mis en relation avec un commandant de la Compagnie de la Navigation Fruitière qui m’avait « pistonné » pour être inscrit sur une liste d’attente pour embarquer sur un navire en réparation dans la baie de Naples en Italie.

A partir du 1er janvier 1948, j’étais aux ordres : en attente à demi-solde.

Les départs pour rejoindre le bateau étaient reportés de semaine en semaine : les Italiens tardaient à mettre le bateau en état de marche pour nous le délivrer.

Finalement, en mai, on a reçu l’ordre de partir pour embarquer sur le Coyah qui était dans un chantier naval à Castelamare di Stabia. J’ai appris par la suite que le M/S COYAH (navire bananier s’appelant « PIERRE CLAUDE » précédemment) avait été réquisitionné pendant la guerre par les Allemands ou Italiens pour en faire un navire de guerre vu sa vitesse importante à l’époque : 16 nœuds ! J'ai appris aussi qu’il avait été coulé en baie de Naples.

Les Italiens devaient remettre le bateau en état et nous le rendre.

St-Brieuc... Paris... où l’équipage complet s’est retrouvé et a pris le train pour Naples.

Long voyage fatigant et, finalement, le bateau tout blanc qui nous attendait.

Les logements étaient neufs en bois clair et les moteurs presque prêts.

Une petite semaine nous permit de prendre contact avec le navire et de visiter les ruines de Pompéi et d’Herculanum ! nous étions en effet au pied de Vésuve.

Premier contact avec les "pizzas" que nous ne connaissions pas !

Une petite semaine, donc, et nous appareillons pour Marseille afin de préparer le bateau pour son premier voyage commercial sur la ligne NANTES-CONAKRY.

Quelques heures après le départ, alors que nous allions passer dans les gorges de Bonifacio entre Sardaigne et Corse, le moteur s’arrête et finalement nous continuons le voyage à mi-vitesse !

Nous voici à Marseille où une bordée de réparateurs envahit la « machine » : il fallait faire vite, pour nous permettre de rejoindre Conakry où les bananes nous attendaient !

Une huitaine de jours à quai et en route pour la mer, fin mai ! Cap sur Conakry avec notre bateau comme neuf, à une vitesse de 16 nœuds.

Durant la traversée, on a fait des essais de la frigo, car les bananes se transportaient à une température de l’ordre de 12 degrés dans des cales compartimentées et bien aérées.

A la passerelle, la veille était gênée par le soleil réfléchissant sur un pont peint avec de la peinture aluminium très en vogue à l’époque, je crois.

Enfin nous voici à Conakry, fin prêts pour charger.

Les équipes de dockers nous attendaient !

Les portelones (portes latérales : ce sont des ouvertures créées sur la coque du navire pour permettre un chargement horizontal à dos d’homme) sont ouvertes, deux passerelles en bois entre le quai et le navire sont fixées.

Les régimes de bananes sont là, le chargement à dos d’homme commence.

Sous le soleil, il faut pointer le nombre de régimes chargés. Un pointage contradictoire entre le navire et les chargeurs est effectué à un rythme rapide : "un, deux, trois... etc." et, à dix, on ajoute : « Marquez pointeur ».

Deux heures durant sur le quai ! Heureusement on portait un casque et le matelot « pointeur » était relayé.

Le comptage en langue indigène, devenait une psalmodie… je l’ai encore en tête.

4 commentaires:

  1. Merci pour ce nouvel épisode passionnant de vos aventures.
    1è question)Sans moteur, comment le trajet entre Gorges de Bonifacio et Marseille a t-il pu se faire, à 8 nœuds ???
    2)C'est le nombre de régimes de bananes qui comptait; le poids était-il sensiblement homogène ?
    3) Combien de régimes étaient chargés en 2h, et combien d'hommes nécessaires pour ce chargement ?
    Merci d'avance -même si je n'attends que des approximations...

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  2. :-D je m'inquiète en lisant le message de "line" : pour se poser des questions aussi précises, il faut avoir quelque chose de grave en tête. Je devine un sombre projet impliquant un certain nombre de bananes...

    En tout cas merci beaucoup pour ce billet très intéressant. Je n'imaginais pas combien les trajets étaient pleins d'aléatoire et d'imprévu !

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  3. Avec la vitesse réduite et les réparations j'imagine que le voyage a pris du retard, mais combien de temps est-ce que ça a mis au final (J'avoue que j'ai du consulter google maps pour savoir où est Conakry)? Je n'ai aucune idée de la longueur de ce genre de trajets...

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  4. Merci beaucoup pour ce récit. Pour de raisons personnelles j'aimerais contacter l'auteur. Est-ce possible?

    jy@ledimet.org

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